COMPTES-RENDUS : LES ARCHITECTURES POSTMODERNES

Publié le par Gérard Monnier

Diane Ghirardo, Les architectures postmodernes, Thames & Hudson, Paris, 1997, 240 p., 166 ill.

L'ouvrage s'ouvre par une quarantaine de pages consacrées à une présentation chronologique de la crise du modernisme, épuisé aux Etats-Unis par sa mise au service des outils immobiliers du capitalisme, et à la présentation des doctrines successives qui depuis 1965 alimentent la pratique d'une élite d'architectes. Y sont convenablement épinglées les prétentions des postmodernistes à produire du sens, indépendamment des stratégies d'amélioration des conditions d'existence, ainsi que l'alliance finale de la plupart d'entre eux (aux Etats-Unis) avec les programmes de la richesse et de la puissance La suite est plus inattendue. En trois chapitres distincts - espaces publics, espaces privés, restructuration urbaine - l'auteur aborde les grandes transformations qui, sous l'impact mondial de l'économie postfordiste, bouleversent dans le monde entier depuis 1980 l'environnement construit. Ainsi pour les nouveaux "espaces publics", ces grandes opérations immoblières, en réalité dans la dépendance de promoteurs, et que l'auteur nomme mégaprojets. Leurs prototypes inavoués seraient les parcs de loisir de Disney, qui inspireraient de façon plus moins masquée une transformation de la pratique des architectes, devenus des désigners et des scénographes, de plus en plus au service d'espaces pseudo-publics définis au bénéfice exclusif des classes moyennes. Passant en revue, avec d'émoustillants pointe de vue critiques, plusieurs études de cas, l'auteur montre le succès des parcs à thèmes du système Disney et "l'orgie" des centres commerciaux qui, sur le modèle du Southdal Mall (Minnesota, 1956), s'est répandue dans le monde ; dans cette partie, on retiendra l'analyse de trois types de musées contemporains (le mausolée, l'entrepôt et la conjonction récente du musée et du centre commercial ), ainsi qu'une judicieuse série de contre-exemples. 
En dépit d'un titre conventionnel et truqué (le titre de l'édition anglaise initiale est Architecture after Modernism), voici une introduction stimulante à une histoire de l'architecture récente menée en dehors des sentiers battus. Bien que les (rares) exemples français soient appauvris par des erreurs gênantes, qui disqualifient l'interprétation, on ne peut que souscrire au refus du schéma conventionnel des architectes-héros, au choix d'une approche typologique adaptée aux programmes, et à la volonté de trouver un angle de vue pertinent avec les réalités de la production du bâti, de la commande et de ses conditions. Retenons à l'actif de l'auteur sa volonté de faire entrer dans ce panorama mondial des territoires peu touchés par les représentations habituelles (l'Egypte, l'Inde), et de nous fournir un repère idéologique, à la fois néo-marxiste et (savoureusement) politiquement correct, sur l'histoire de l'architecture telle qu'elle peut se constituer aujourd'hui sur la côte ouest des Etats-Unis.

©Gérard Monnier

Publié dans Publications & travaux

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