COMPTES-RENDUS : PETER SULZER, JEAN PROUVÉ OEUVRE COMPLÈTE VOL. 2

Publié le par Gérard Monnier

Peter Sulzer, Jean Prouvé. Œuvre complète, vol. 2, 1934-1944, Birkauser éditeur, 1999, 352 p., 30 illustrations couleur, 1000 illustrations n & b.

On sait l'importance prise ces derniers mois par la restauration et par la restitution de plusieurs des bâtiments de Jean Prouvé (le marché couvert de Clichy, le palais de l'aluminium, la station-service). Si vous voulez tout savoir sur Prouvé entre 1934 et 1944, voici l'instrument qui vous convient. Ce superbe volume prend la suite, moyennant un changement d'éditeur (le suisse Birkauser prend la suite de l'allemand Ernst Wasmuth) du premier volume, qui traitait de la période 1917-1933. On y trouve 700 rubriques, qui détaillent les travaux de Jean Prouvé, qui analysent les documents et les réalisations, indiquent leur localisation actuelle, complétée, pour plusieurs pièces de mobilier, par de précieux "avis de recherche". Une aubaine pour les collectionneurs.
L'auteur, Peter Sulzer, professeur à l'Université de Stuttgart, mène depuis 1982 son enquête dans les archives ad-hoc, un travail de fond complété par des entretiens avec Prouvé et avec les survivants des divers ateliers, et prolongé par une patiente reconnaissance des œuvres sur place.
Ce second volume couvre la production qui va de la fondation en 1932 de la société anonyme "Les Ateliers Jean Prouvé", à la fin de la seconde guerre mondiale. On sait que c'est dans cette période que Jean Prouvé mène d'importants projets dans le domaine de l'architecture. Comme bureau d'étude et comme constructeur, et aux côtés des architectes Beaudouin et Lods, Jean Prouvé et son entreprise jouent un rôle central dans la conception et dans la réalisation de deux bâtiments : l'aéro-club de Buc (1935-1936, détruit) et le marché couvert de Clichy (1935-1939, classé MH en 1983). A Buc, la maîtrise de la tôle pliée et soudée lui permet, à partir d'éléments prototypes construits en atelier, de soumettre au préalable une solution constructive, indépendante des produits laminés du commerce, à Marcel Lods, ardent partisan de l'industrialisation. C'est aussi dans cette période que les Ateliers Jean Prouvé, en étudiant et en produisant les éléments du second œuvre, trouvent d'importantes commandes : ensemble d'habitation de la Muette à Drancy (menuiseries métalliques pour fenêtres coulissantes, 1932-1939), et hôtel de ville de Boulogne (portes, rampes d'escaliers, cloisons métalliques mobiles, 1933-1935, T. Garnier arch.) ; des commandes substantielles, bien utiles pour que l'entreprise soit en mesure de poursuivre, parallélement, des recherches sans rentabilité immédiate : maquettes et prototypes de mobilier (la chaise nº 4, mise au point en 1935), et de maisons démontables (maison B.L.P.S., en 1937-1938, et maison à portique, étudiée pour l'Armée de l'air en 1938). Peter Sulzer nous éclaire aussi sur la gestion de l'entreprise, qui reste à l'écart des effets de la crise des années trente : à l'accumulation des commandes correspondent des effectifs en hausse et une politique sociale généreuse, tandis que Prouvé lui-même, bien que fondateur et délégué général, se contente d'un salaire de contremaître. A partir de 1940, la collaboration avec Pierre Jeanneret, qui s'est écarté de Le Corbusier, donne des résultats intéressants pour transcrire en bois la maison à portique. Préservant l'outil de travail, ne cédant rien aux demandes de l'occupant, l'industriel est un résistant reconnu, et le Comité départemental de Libération en juillet 1944 nomme Jean Prouvé maire de Nancy.
Pour la suite de l'histoire, les amateurs devront patienter, et attendre la publication du volume 3 (en préparation) qui couvrira les commandes de la reconstruction, de 1945 à 1954.

©Gérard Monnier

Rappel : Peter Sulzer, Jean Prouvé. Œuvre complète, vol. 1 1917-1933, Tübingen / Berlin, Ernst Wasmuth éditeur, 1995 (texte en français et en anglais) ; deuxième édition par Birkauser, Bâle.



Dans le Bulletin de Docomomo - France :

Peter Sulzer, Jean Prouvé. Œuvre complète, vol. 2, 1934-1944, Birkauser éditeur, 1999, 352 p., 30 illustrations couleur, 1000 illustrations n & b.

Cet ouvrage est la suite du catalogue scientifique de l'œuvre de Jean Prouvé, dont le premier volume couvrait la période 1917-1933. Ce second volume comporte 700 rubriques, une bibliographie et un index (des noms de personnes, des organismes et des lieux). Cet instrument de diffusion internationale (l'édition est bilingue français-anglais) croise le succès rencontré par le mobilier en vente publique. Comme l'indique l'auteur, de nombreuses pièces de mobilier et des variantes restent perdues de vue : ce catalogue ne découragera pas les amateurs ! 
L'auteur, Peter Sulzer, architecte, professeur à l'Université de Stuttgart, a débuté en 1982 son enquête dans les archives personnelles de Prouvé et, à partir de 1988, dans le fonds Prouvé des Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. Dans ce second volume il traite une période cohérente, qui va de la fondation en 1932 de la société anonyme "Les Ateliers Jean Prouvé" jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Cette période est marquée par des interventions majeures de Jean Prouvé dans le domaine de l'architecture. Il collabore aux chantiers de l'ensemble d'habitation de la Muette à Drancy (menuiseries métalliques pour fenêtres coulissantes, 1932-1939, Beaudouin et Lods arch.) et de l'hôtel de ville de Boulogne (portes, rampes d'escaliers, cloisons métalliques mobiles, 1933-1935, T. Garnier arch.). Surtout, comme bureau d'étude et comme constructeur, la société joue un rôle de premier plan dans la conception et dans la réalisation de bâtiments : l'aéro-club de Buc (1935-1936) et le marché couvert de Clichy (1935-1939). Pour ces deux édifices, la collaboration avec Eugène Beaudouin semble de caractère juridique, et celle avec Marcel Lods laisse la part belle à Prouvé pour l'interprétation par la construction d'un plan-masse, indicatif peut-on comprendre. Dans cette période, Prouvé s'implique aussi directement dans l'étude des maquettes et des prototypes, dans un véritable projet industriel : mobilier (la fameuse chaise nº 4, mise au point en 1935), maison démontable B.L.P.S. (1937-1938) et maison à portique, élaborée à partir d'une commande pour l'Armée de l'air (1938). 
Paradoxalement, les Ateliers Jean Prouvé ne souffrent pas de la crise des années trente, à la différence de nombreux architectes. L'entreprise est beaucoup sollicitée pour des chantiers publics, d'où un effet d'accumulation des commandes, qui permet aux effectifs de l'entreprise d'augmenter et qui crée un climat favorable à une politique sociale généreuse, dans le droit fil de la modestie du fondateur, Jean Prouvé, qui en tant que délégué général est resté un "compagnon" au salaire de contremaître. Pendant la guerre et l'occupation, l'activité se déplace vers des productions qui répondent à la pénurie : gazogènes, fours et fourneaux, interprétation en bois des types de mobilier mis au point avant 1940 ; des ensembles mobiliers complets (pour Berger-Levrault en 1942-1943) inaugurent des types (rayonnages suspendus sur des crémaillères murales) qui seront très largement repris et interprétés pendant les années 1950. En juillet 1944, le Comité départemental de Libération nomme Jean Prouvé maire de Nancy. 
Ce second volume confirme la place à part de cet ouvrage scientifique de haute tenue dans les publications d'histoire de l'architecture du XXº siècle.

©Gérard Monnier

Rappel : Peter Sulzer, Jean Prouvé. Œuvre complète, vol. 1 1917-1933, Tübingen / Berlin, Ernst Wasmuth éditeur, 1995 (texte en français et en anglais) ; deuxième édition par Birkauser, Bâle.

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