Conférence aux Journées du Patrimoine 2007

Publié le par Gérard Monnier

Journées du Patrimoine 15-16 septembre 2007



Conférence Ville ouverte, 16 septembre 2007



Le photographe d’architecture et son histoire


Essai de typologie



Une mise au point en relation avec l’importance prise par le patrimoine 

photographique dans les institutions de la Culture.



Une situation récente, et tout à fait actuelle


Cet exposé n’aurait pas été possible il y a 25 ans, il aurait été difficile il y a 10 ans. Que s’est-il passé depuis ?


Après la génération des pionniers – Lemagny à la BNF - la reconnaissance généralisée d’un patrimoine photographique dans les collections publiques et privées, parallèlement, à l’émergence d’un marché de la photographie ancienne : qui a commencé ?   c’est comme l’œuf et la poule … 


Examinons les choses de plus près : 


-le décollage rapide des travaux en histoire de la photographie, en particulier dans les Universités : le premier cours donné à la faculté des lettres d’Aix en provence en 1974 par Willy Ronis. 

-Puis dans des formes diverses : expositions, livres, inventaires de collection privées (la collection Sartoris en Suisse), la découverte des fonds des studios de photographie ; le studio Chevojon, la dynastie des Boissonnas, actif en Suisse et en France, avec le beau livre que lui a consacré Nicolas Bouvier (Payot, 1984), mon collègue Jean Arrouye et les fonds des Detaille à Marseille, le fonds Ely à Aix en Provence. 

-La découverte de leurs collections par les institutions, et leur mise en valeur : le musée des Monuments français, la médiathèque du patrimoine, la Bibliothèque historique de Paris, et surtout la BNF, qui a multiplié des expositions et des publications (les frères Bisson, etc).  Le petit dernier, le musée du quai Branly, a montré l’hiver dernier le photographe Désiré Charnay qui est au Mexique dès les années 1860. 

-L’exemple du Musée de Chantilly, et de son trésor photographique en particulier les photos acquises par le Duc d’Aumale pendant son exil en Grande-bretagne sous le Second Empire

-Les collections sensationnelles de la Société de géographie seront exposées à partir de demain 17 septembre à la BNF, où elles sont déposées ; voici le livre qui leur est consacré.

-Les intérêts qui se fixent sur la photographie d’architecture : est-ce une spécialité artistique ? un domaine professionnel , une discipline ? 

-Pour approcher la photographie d’architecture, on dispose de plusieurs grands ouvrages ; plusieurs auteurs, universitaires américains ou anglais, proposent des panoramas, des premières synthèses, des anthologies, souvent superficielles en ce qui concerne le domaine européen, et toujours fidèles au modèle de l’histoire classique de l’art : les hommes et les œuvres. Un modèle, faut-il le souligner, amplement conforté par le marché de la photo ancienne, en, pleine expansion. 

-puisque qu’aujourd’hui on dispose d’une information abondante, et de plus en plus rigoureuse, et avec toutes ces pièces détachées, voici ce qui reste à faire :  construire une histoire plus organisée, problématisée. D’où l’objet de cette présentation, encore schématique, pour répondre à la question « que s’est il passé ? » Voici les deux pistes sur lesquelles je travaille, et qui sont spécifiques à la photo d’architecture  : 

-examiner les contenus de l’offre et de la demande, d’une part, 

-préciser la question de l’édition des photographies d’architecture d’autre part, dans la mesure où les commanditaires de la photo d’architecture n’envisagent pas souvent de les laisser dans un tiroir.  


  1. - Et sans perdre de vue la question essentielle : en quoi le travail de ces photographes nous prépare à voir l’architecture, nous propose une interprétation, bref comment leur vision de professionnels et d’artistes est-elle partie prenante à la construction de notre culture dans le domaine de l’archi. 

Une histoire pour laquelle des témoignages exceptionnels ) c’est dire intenses et rares -  sont disponibles et publiés : Shulman aux Etats-Unis et Henri Stierlin en Suisse ; l’entretien avec H. Stierlin que j’ai réalisé et rédigé sera publié bientôt par la revue Le Visiteur, le périodique de la SFA, Société française des architectes. .

   

Le photographe d’architecture est d’abord l’auxiliaire des architectes des monuments historiques, puis un grand voyageur, qui rapporte des images stupéfiantes. Leur destin est limité : des albums de luxe, quelques expositions, et la plupart sont enfouies dans l’espace confiné de collections confidentielles ; pas de système d’ impression avant 1890. Essor à partir de ce moment de la carte postale, un moteur pour la prise de vue des édifices remarquables, et des sites. 

Peu après, vient le « photographe industriel », c’est un anonyme, qui est  au service des administrations, des architectes et des entrepreneurs, une activité dont une partie vise les éditeurs, notamment des cartes postales ( à partir de 189 environ). 

Le photographe d’architecture sort lentement et progressivement de l’anonymat,  entre les années 1930 et les années 1950.  Et aujourd’hui il est devenu un auteur, dont la signature est reconnue, et un interprète professionnel de l’actualité architecturale et de la chronique urbaine, qui répond à la demande de nombreuses institutions. Un personnage qui intéresse quelquefois les tribunaux, un acteur, à son corps défendant, qui figure dans la chronique judiciaire, rubrique jurisprudence du droit  à l’image ; comme la récente affaire des bories. 



Le photographe des monuments historiques


Photographier l’architecture, c’est commencer par les monuments historiques
en France…


La photographie,  notons-le, après la présentation officielle du procédé à l’Académie des sciences par Arago le 7 janvier 1839, a pris un départ fulgurant, dans les années 1840 ; les années Daguerre. Le monument et le portrait.


longtemps limitée dans ses capacités de publication : l’intermède de l’album, puis de la gravure sur bois (la presse illustrée), avant la photogravure vers 1890 (essor de la carte postale)


Dès 1839, la commission des MH émet le vœu d’une collection des anciens édifices, « grâce à la découverte de M. Daguerre ». Bayard – négatifs papier - et les images de Blois. 


Le négatif papier est développé par Blanquart-Evrard. Le moment de la « mission héliographique » 1851 ; ses héros, ses chefs d’œuvre, …. mais pas de publication


Sa redéc



-une affaire progressive : on résume les étapes

-

-la lutte d’un révolutionnaire éclairé, l’Abbé Grégoire, contre le vandalisme économique et politique, relayé par Victor Hugo, dès 1825, « la guerre aux démolisseurs »


l’importance de l’image : les gravures (lithos) ds Les Voyages pittoresques et romantiques ds l’ancienne France, édités par le baron Taylor à partir de 1826. 

-

-le rapport de Guizot au roi Louis-Philippe le 21 octobre 1830, suivie par la nomination d’un inspecteur général des MH, avec une mission très étendue. Le premier IGMH est Ludovic Vitet, en fonction de 1830 à 1834, remplacé par Prosper Mérimée, en fonction de 1834 à 1860. 


L’embryon d’un dispositif sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, avec en 1837 une mission de classement donnée aux Préfets, et la création d’une Commission des MH. 


Pas de loi sur les MH avant la 3 ème République, en 1887 les MH au ministère Instruction publique et Beaux-arts.


-des travaux, dès 1840, avec Viollet-le Duc à Vézelay, Debret à St Denis (effondrement en 1847), Lassus à Chartres


Toutes ces démarches s’appuient sur des techniques de représentation en évolution rapide : le dessin pittoresque, le dessin géométral, la lithographie



Les photographes : Édouard Baldus (1813-1889), un photographe, né allemand à Grunebach en Prusse, naturalisé français en 1856. Peintre de formation, il s’installe à Paris en 1838, après un voyage aux États-Unis, pour perfectionner sa peinture et il expose aux salons de 1847, 1848 et 1851. Il aborde la photographie sans doute vers 1848. 

Après la mission héliographique, travaille pour la Cie des Chemins de fer du nord : son album Chemins de fer du nord . Ligne de Paris à Boulogne est offert à la reine Victoria à l’occasion de son voyage à Paris en 1855


Gustave Le Gray (1820 - 1884)


Henri Jean-Louis Le Secq (1818, Paris - 1882, Paris)


Charles Marville, actif à partir de 1851, sa découverte des chantiers


Médéric Mieusement, à Blois



Deux points : 


- Le moment d’une demande constituée, explicite ; une offre qui rivalise avec les techniques antérieures : le dessin, l’expression picturale, le dessin géométral, le dessin interprété par la lithographie, 


- Une photographie utile, qui permet de confronter la vue avant et après la restauration. 


Le photographe des grands travaux 


Voici Le fameux livre Le grand œuvre,  Grands travaux 1860-1900, coll. « Photopoche », publiée en 1983 avec un texte de Jean Desjours,  des légendes des illustrations de Bertrand Lemoine


Charles Marville, actif à partir de 1851


Albert Fernique (1841-1898) ; un cas de reconversion : ingénieur de l’Ecole centrale, spécialiste du dessin technique et du cours de construction, à la suite de son activité pendant le siège de Paris auprès de René Dagron et des photographes qui mettent au point le micro film et les dépêches microphotographiées. 


Il ouvre son atelier de photographie en 1872, reçoit en 1873 d’importantes commandes de la préfecture de la Seine : chantier de l’hôtel de ville, etc.


La photographie des chantiers, 


Les agences et studios, nés de la commande des Adminstrations : 


Collard, qui signait des photos comme « photographe des Ponts et Chaussées »


Et des grandes entreprises :


Alphonse Terpereau, photographe de la Compagnie des chemins de fer du Midi à partir de 1863, le photographe du viaduc de Garabit


Pierre Petit, photographe officiel de l’exposition Universelle de 1867


Emile Durandelle, photographie du chantier de l‘Opéra de Paris


L’Union photographique française, et la commande des chantiers du métro


les photographes, professionnels de la photo industrielle, sont le plus souvent anonymes



Le photographe voyageur


La porte de l’aventure pour des hommes du monde, des militaires, des ingénieurs. Une activité distinguée, qui apporte une reconnaissance, par les publications d’albums, et par exemple, auprès des socitéés savantes, comme la Société de géographie. 



Maxime Du Camp (1822-1894), avec Flaubert en Egypte en 1850


Les publications de Blanquart-Evrard, les albums de Du Camp en 1852


L’appui au tourisme : les Béchart à Karnak, au Caire, 1875


Et à l’archéologie : 


Fred Boissonnas (1858-1944) en Grèce en 1907.


Pour la photographie d’architecture, puisque l’édition est la suite normale du processus, comme on l’a constaté dès la démarche de Blanquart-Evrard, il arrive que le photographe lui-même, à la tête d’une structure spécialisée, devienne son propre éditeur. On reviendra sur ce point plus loin .


Désiré Charnay au Mexique à partir de 1858


Louis-Lucien Fournereau à Angkor, en 1887


Marc Ferrez, et les chemins de fer au Brésil en 1884…



.Les bâtiments, sujet principal de la carte postale, forme industrielle de la photographie topographique.


SUITE...

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